En favorisant le réemploi, Écoscéno contribue non seulement à alléger l’empreinte environnementale des productions artistiques, mais aussi à reconfigurer les pratiques des compagnies culturelles autour d’un modèle d’économie circulaire. Sa cofondatrice et directrice générale, Anne-Catherine Lebeau, explique que la réduction du gaspillage est une nécessité criante dans un secteur où les matériaux et décors étaient autrefois trop souvent voués à l’enfouissement.
Il n’y a pas si longtemps, la majorité des décors de théâtre applaudis sur les scènes montréalaises finissaient au dépotoir après quelques semaines seulement de représentations. Cette pratique bien ancrée, faute d’une structure pour organiser le réemploi, semblait tristement inévitable. « Les sites d’enfouissement débordent, et ce n’est de toute évidence plus viable depuis longtemps », fait observer Anne-Catherine Lebeau, cofondatrice et directrice générale d’Écoscéno.
Avec son organisme, elle a choisi de changer la donne : aujourd’hui, un décor usagé ne signifie plus destiné à la décharge, mais une seconde vie dans un nouveau projet artistique, tout en réduisant l’empreinte écologique du secteur.
La clé pour y arriver ? Un modèle de gestion collective des ressources, où la collaboration entre compagnies artistiques se substitue à la simple accumulation de stocks individuels. Dans la phase actuelle préliminaire de développement d’Écoscéno, le Centre du Théâtre d'aujourd'hui, Duceppe, le Théâtre de Quat’Sous et le Théâtre Denise-Pelletier mutualisent leurs ressources. Les quatre grandes institutions montréalaises disposent chacune d’espaces d’entreposage dans les locaux d’Écoscéno.
L’objectif est bien sûr d’élargir progressivement le réseau en ajoutant d’autres institutions et compagnies, en particulier pour faciliter l’accession des compagnies émergentes aux ressources mutualisées. « Cela pourrait rétablir un certain équilibre dans l’accès aux matériaux, explique Anne-Catherine. Car, actuellement, plus tu appartiens à un réseau fort, ou plus tu as d’expérience dans le métier, plus tu sais ce que les autres possèdent, donc ça te donne du pouvoir. En ajoutant de nouveaux partenaires, Écoscéno vise à démocratiser l’accès. »
Ce qu’on cherche à faire, vraiment, c’est d’arriver à une situation de recours nul à l’extraction de nouvelles ressources, ajoute la cofondatrice de l’OBNL. Ça semble simple, voire évident, mais le milieu s’était vraiment éloigné de cette façon de penser dans les dernières décennies.
L’écoconception, pour une transformation durable des pratiques
Chez Écoscéno, il n’est pas question uniquement de réemployer les matériaux, mais plutôt de propager une nouvelle philosophie des pratiques scénographiques. Anne-Catherine Lebeau et son équipe accompagnent les artistes de Montréal dans la revue en profondeur de leurs pratiques pour créer de manière durable, sans puiser dans de nouvelles ressources.
Ce n’est pas juste un outil qu’on ajoute, c’est un changement de paradigme complet .
Pour elle, l’écoconception implique de « repenser chaque geste de création » en y intégrant pleinement les enjeux environnementaux. Cet accompagnement se concrétise par des ateliers et des formations qui plongent les artistes dans une réflexion sur leurs matériaux, leur empreinte écologique et les options autres disponibles.
Un accompagnement pour l’élaboration de projets novateurs
Grâce à PME MTL, Écoscéno a pu relever les défis de financement propres aux projets d’économie sociale et circulaire. L’accompagnement avec une conseillère attitrée ne se limitait pas à une simple aide financière; grâce à PME MTL, l’organisme a aussi été à même de bénéficier d’un appui logistique et d’élaborer des stratégies pour mieux cibler les subventions offertes.
Ce soutien a été crucial pour nous dans un contexte où il demeure complexe de financer notre type d’organisation, qui n’entre pas parfaitement dans les exigences des programmes de financement des arts tant à l’échelle provinciale que fédérale et municipale, et où il nous a fallu aller parfois vers d’autres ministères, d’autres sources.
Une vision pour l’avenir
L’objectif à long terme d’Écoscéno est d’exporter son modèle à travers le Québec et même ailleurs au Canada, tout en diversifiant les domaines d’application de l’économie circulaire. Aujourd’hui, l’organisme commence à s’ouvrir aux industries cinématographique et télévisuelle, où les ressources matérielles utilisées sont encore plus vastes.
Pour Écoscéno, l’avenir passe par une multiplication d’actions similaires pour couvrir les besoins des secteurs culturels dans d’autres grandes villes canadiennes et ainsi transformer plus largement les pratiques dans l’ensemble des arts vivants et visuels. Comme le résume Anne-Catherine : « Il nous faudra plusieurs Écoscéno pour répondre aux besoins du secteur culturel et rendre cette façon de créer en économie circulaire la norme. »
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Écoscéno a reçu le soutien des experts de PME MTL Centre-Ville.