Il n’est pas rare que des organismes communautaires ou des entreprises privées démarrent un projet d’économie sociale. Que faut-il savoir pour réussir ce passage parfois complexe?
L’Éco de la Pointe-aux-prairies (ÉCOpap) est un organisme à but non lucratif (OBNL) dont la mission consiste à encourager les citoyens et les acteurs du quartier de Rivières-des-Prairies-Pointes-aux-Trembles à adopter des comportements écoresponsables.
« Nous donnions souvent des formations sur la réduction des déchets dans lesquelles nous présentions les avantages des aliments en vrac et des emballages réutilisables, raconte la directrice générale Charlie-Anne Bonnet-Painchaud. Les gens se montraient intéressés, mais ne trouvaient pas ces produits dans le quartier. »
L’ÉCOpap a donc ouvert en 2017 une boutique dans ses locaux, dont les profits sont réinvestis dans la mission de l’organisme. Ce dernier a d’ailleurs bénéficié d’un financement de PME MTL en 2020, afin d’optimiser l’aménagement du magasin.
Le passage à l’économie sociale est venu avec son lot de défis. L’OBNL a dû effectuer des études de marché pour connaître ses futurs clients et identifier les bons produits à vendre. Elle a aussi mis en ligne un site transactionnel et organisé un système de livraison à domicile.
« La boutique peut également avoir des impacts de gestion sur nos autres activités », poursuit la directrice générale. Par exemple, si les revenus tirés des ventes dépassent 50 000 dollars par année, l’OBNL devra commencer à collecter la TPS/TVQ. Or, les ventes du magasin s’ajoutent à la vente de formations que l’OBNL faisait déjà à des organisations situées à l’extérieur de son quartier. Elle doit donc suivre attentivement l’évolution de ces revenus.
Trouver les compétences
« La transition d’un modèle qui repose sur les subventions, comme celui des OBNL, à un autre basé sur les revenus pose certains enjeux de gestion, de prise de risque et de gouvernance », résume Gaëtan Cirefice, directeur, gestion et financement en économie sociale de PME MTL Est-de-l’Île.
Un OBNL reçoit des subventions à la mission ou par projet et rend des services à des bénéficiaires. Mais en économie sociale, l’organisme devient un marchand qui vend des produits ou des services à ses clients et qui se retrouve souvent en compétition avec des entreprises à but lucratif.
« L’organisme doit se doter d’une certaine expertise — à l’interne ou à l’externe — dans des domaines comme les stratégies d’affaires, le marketing, la commercialisation, l’approvisionnement ou la logistique », poursuit Gaëtan Cirefice. La prise de risque augmente aussi, puisque l’on doit générer des revenus pour se financer, même si la plupart des projets de ce type peuvent bénéficier de certaines subventions.
« Les projets d’économie sociale ne sont généralement pas rentables immédiatement, rappelle Gaëtan Cirefice. Les reins de l’organisme doivent être assez solides pour assumer des pertes au début. » PME MTL exige d’ailleurs de séparer les finances du projet d’économie sociale de celles de la mission première de l’OBNL, afin de s’assurer qu’il ne siphonne pas les subventions de l’organisme.
Les OBNL doivent également soigner la gouvernance de ces projets. Ils nécessitent l’approbation des membres et l’adhésion de la communauté. Le conseil d’administration doit aussi bien les superviser. Tout cela peut parfois ralentir un peu le lancement de ces projets ou même créer des frictions à l’interne.
Enfin, les OBNL qui détiennent un numéro de charité de l’Agence du Revenu du Canada (ARC) ont intérêt à retenir les services d’un assistant juridique. Celui-ci pourra communiquer avec l’ARC et s’assurer que les activités d’économie sociale ne provoquent pas une perte de ce numéro. Cela peut se produire, par exemple, si les revenus marchands du projet d’économie sociale dépassent un certain seuil du financement total de l’organisme.
Les travailleurs s’unissent
Les entreprises privées aussi passent parfois à l’économie sociale, notamment sous la forme de coopératives de travailleurs. « Ces coopératives représentent un modèle très proche de l’économie privée, mais avec quelques différences sur le plan de la gouvernance, précise Gaëtan Cirefice. Par exemple, il faut un minimum de trois personnes pour les administrer. »
La coopérative de travailleurs offre un accès intéressant au capital, entre autres sous la forme de subventions de démarrage. Elle réduit aussi le risque financier des participants. En effet, elle ne peut pas être garantie avec leurs actifs individuels. La responsabilité financière se limite à la part sociale que chaque participant investit dans l’entreprise. De plus, ces parts sociales peuvent être déductibles d’impôt par l’entremise du régime d’investissement coopératif du gouvernement du Québec.
« PME MTL peut être présent à toutes les étapes du démarrage d’un projet d’économie sociale, en accompagnement ou en financement, donc il ne faut pas hésiter à nous contacter », rappelle en terminant Gaëtan Cirefice.
Une transition pour quoi faire ?
Régulièrement, les organisations communautaires développent des projets d’économie sociale. « L’objectif principal est bien souvent de générer des revenus autonomes afin de renforcer la situation financière, explique Gaëtan Cirefice. Dans d’autres situations, l’organisation voit l’opportunité de mettre à profit des actifs sous-utilisés comme des locaux, des équipements ou des employés et bénévoles qui possèdent des expertises particulières. Mais dans tous les cas, les organisations cherchent des nouvelles façons de répondre au besoin de leurs communautés. »