Quand la crise devient un moteur de croissance

Parole d’expert | 10 décembre 2020

Alain Bakayoko, directeur, commercialisation et innovation, Sciences de la vie et Technologies de la santé à PME MTL, présente des entreprises qui, en réponse à la Covid-19, ont diversifié leurs activités vers la santé et la sécurité.

Pandémie oblige, des sociétés en démarrage ou bien établies ont dû se réinventer pour survivre, car leur secteur d’activité était frappé ou même carrément paralysé. Alors qu’elles auraient pu voir la soudaine crise sanitaire comme un irritant majeur et même un frein à leur existence, elles y ont plutôt perçu une occasion d’affaires.

En plus de l’agilité, elles ont démontré une grande audace. En effet, certaines sont carrément sorties de leur zone de confort pour s’aventurer en terres inconnues. C’est le cas de celles qui ont profité des circonstances pour explorer les domaines de la santé, de l’hygiène et de la sécurité.

Passer du jeu au lavage des mains

C’est le cas de Jeux Spin. Cette société fabrique du mobilier et des jeux géants pour les fêtes d’entreprises (Ubisoft, Desjardins, etc.). À la vitesse de l’éclair, le printemps dernier, elle s’est repositionnée pour fabriquer une borne de distribution de liquide désinfectant ! L’équipe de fabrication avait observé de sérieuses anomalies parmi les mesures d’hygiène déployées dans des commerces et autres lieux publics. Par exemple, il fallait parfois tourner un robinet afin de se laver les mains, puis le retoucher pour le fermer, une fois leurs mains nettoyées.

Jeux Spin a donc créé la borne sanitaire Sanibox. Elle a ainsi opté pour un créneau sans exigences réglementaires spécifiques. Cette décision tombait sous le sens, car l’atelier était quasi inactif compte tenu de la réduction des activités exigées par les consignes de la Santé publique. Par conséquent, elle devait vite générer une activité lucrative et ne pouvait pas se permettre de passer de longs mois à attendre autorisations et feux verts.

Jeux Spin a aussi eu la bonne idée d’offrir d’abord son innovation à son propre réseau, de manière à se bâtir une expertise avant de solliciter d’autres clients potentiels. PME MTL Centre-Est a d’ailleurs été l’un des premiers acquéreurs de la Sanibox. À ce jour, ils ont maintenant vendu plus de 600 bornes à travers le Canada avec des clients tels que l’aéroport d’Edmonton et de Calgary. Également, Sanibox a établi un partenariat avec l’entreprise estrienne Bleu Lavande pour proposer un liquide hydroalcoolique doux pour les mains. Du coup, elle s’est démarquée des solutions traditionnelles dommageables pour les mains, en plus de favoriser l’achat local et écologique en temps de crise.

S’adapter au jour le jour

Pour sa part, la Coop Couturières Pop, une coopérative œuvrant dans le textile, a participé à l’effort de guerre en modifiant sa production habituelle pour concevoir jusqu’à 50 000 masques par semaine ainsi que des jaquettes d’hôpital.

Ici, le groupe a davantage visé la clientèle institutionnelle, au moment où les autorités ne jugeaient pas les masques utiles pour le grand public. De plus, en raison du contexte, le secteur hospitalier était exceptionnellement ouvert aux petits joueurs, qui pouvaient désormais devenir des fournisseurs dans le domaine de la santé.

Toutefois, il y a eu un flottement dans le discours des gouvernements, à la fois quant à la nécessité des masques que dans leurs types. Par conséquent, Coop Couturières Pop a souvent dû s’ajuster en cours de route. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, son équipe en a profité pour réaliser chaque fois des apprentissages qui allaient éventuellement s’avérer utiles. Cela lui a permis de multiplier ses marchés, pour toucher notamment au grand public, de même qu’aux entreprises désireuses de protéger leurs employés.

Coop Couturières Pop a également démontré un solide sens des affaires en tablant sur la soudaine disponibilité de main-d’œuvre causée par l’arrêt des activités dans plusieurs secteurs économiques. Ainsi, en 24 heures, elle a reçu 500 candidatures à la suite d’un appel public. Ultimement, 4000 couturières ont offert leurs services à l’organisation.

Des solutions qui répondent à un besoin

De son côté, Shapeshift 3D a tablé sur son attribut principal quand elle a ajusté son offre de service au contexte sanitaire. Elle a donc mis à contribution son expertise en logiciels de « personnalisation de masse » et d’automatisation de design sur mesure d’équipements en 3D.

Devant l’inconfort manifesté par plusieurs professionnels de la santé à l’égard des masques obligatoires, cette jeune société a proposé des masques personnalisés. Déjà avant-gardiste dans sa mission, elle a ainsi repoussé l’innovation en l’adaptant au contexte, elle qui œuvrait dans le domaine de l’équipement sportif et la création d’orthèses.

Avec la numérisation et le stockage infonuagique de données, elle permet à chaque porteur d’utiliser un masque conçu selon sa propre morphologie. Quiconque a dû porter pendant de longues heures un masque inconfortable saisit vite la pertinence de cette nouveauté.

La direction de Shapeshift 3D a agi en simultané sur deux plateaux. D’une part, elle a conclu des accords avec des distributeurs pour commercialiser sa solution. D’autre part, elle a récolté des témoignages de cliniciens louangeant sa solution. De cette manière, elle a réglé deux enjeux majeurs, soit le déploiement éventuel d’un réseau de distribution ainsi que l’endossement des « adopteurs précoces » (early adopters) du milieu de la santé qu’elle visait. Ce projet d’innovation parfaitement aligné sur la mission de l’entreprise est bien plus qu’un relais de croissance. Il apparaît vital pour le développement de l’entreprise et contribuera à pérenniser ses activités.

Repousser l’impossible

Œuvrant dans l’irradiation par éclairage visible (non UV) DEL pour l’industrie alimentaire, Adsol s’engage elle aussi dans l’effort collectif en suivant une certaine logique poussée par un brin d’optimisme. Puisqu’elle peut détruire par la lumière des bactéries et des champignons sur des aliments, pourquoi ne pourrait-elle pas éliminer le virus de la Covid-19 ?

Son équipe planche donc sur l’adaptation de sa technologie sanitaire à la désinfection de surfaces en milieu clinique plutôt que sur des fruits et des légumes. Ici, toutefois, l’entreprise doit aller bien plus loin que de donner confiance au milieu visé et aux éventuels utilisateurs. Puisque la preuve de concept clinique fait foi de tout, il lui faut obtenir des données scientifiques prouvant l’efficacité de sa méthode.

Un partenaire présent à chaque étape

Qu’elles aient choisi une solution rapide ou un chemin qui passe par des approbations réglementaires, validations d’efficacité et autres exigences, les entreprises dont il est question ici ont quelque chose en commun. Elles ont profité d’une crise imprévue pour explorer les possibilités d’affaires plutôt que d’en être les victimes.

PME MTL les accompagne à différents stades pour les aider à cheminer dans leurs pivots stratégiques respectifs. Montage financier, aide à la commercialisation des innovations, mise en contact avec des partenaires ou clients potentiels, accompagnement au stade de la certification ou de l’homologation, lien avec des organismes réglementaires comme Santé Canada, voilà quelques-unes des multiples étapes où nous épaulons ces entrepreneurs visionnaires.

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Cet article a été écrit avec la collaboration d’Alain Bakayoko, directeur, commercialisation et innovation, Sciences de la vie et Technologies de la santé, à PME MTL.

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