La pandémie a stimulé la créativité des entreprises. Certaines ont dû innover dans l’urgence pour assurer leur survie, quand d’autres ont répondu à un nouveau besoin du marché. Rien n’indique que les bonnes idées vont s’éteindre après la COVID-19, bien au contraire. Les entreprises devront encore s’adapter pour faire face aux enjeux, que ce soit la pénurie de main-d’œuvre, les changements climatiques ou l’évolution des conditions de marché.
En mettant au point une machine pour nettoyer les briques de construction, Tommy Bouillon a fait d’une pierre trois coups. Le propriétaire de la Maçonnerie Gratton a ainsi trouvé une solution pour réutiliser un matériau toujours utile, résoudre un problème de recrutement et réduire l’empreinte environnementale de son industrie.
« Jusqu’à aujourd’hui, le seul moyen d’enlever les résidus de mortier des briques que l’on enlève des murs anciens, c’était de le faire manuellement au marteau, brique par brique. Une tâche très longue alors que la main-d’œuvre se fait rare sur les chantiers », explique Tommy Bouillon.
Avec son associé David Dufour et Hugo Cartier, d’Équipements Alco, un fabricant d’équipements industriels, il s’est donc mis à la tâche pour concevoir une machine qui ferait le nettoyage à la place des humains. C’est ainsi qu’est né la Recyc-Brique. Muni de scies aux lames de diamant, elle nettoie les briques en moins de 10 secondes et presque sans perte puisque 99 % des briques passées dans la machine sont récupérées.
Faire une différence pour la communauté
Maçonnerie Gratton est un bel exemple d’une PME qui a su trouver une solution à un enjeu propre à son entreprise, mais qui profitera aussi à toute l’industrie de la construction.
« Dans un contexte post-pandémique, il s’agit de mieux faire les choses, affirme Kaïla Munro, commissaire industriel chez PME MTL Grand Sud-ouest. L’innovation peut notamment servir à atteindre la carboneutralité, réaliser des gains de productivité ou se démarquer de la concurrence. Si elle ne se modernise pas, c’est la compétitivité de l’entreprise qui est en jeu. »
Les entreprises innovantes sont aussi plus attractives, selon l’experte. « Aujourd’hui, pour être capable de recruter les jeunes générations, il faut plus qu’une mission lucrative, affirme Mme Munro. Elles veulent travailler pour des organisations qui font une différence pour leur communauté et pour la planète. »
Tommy Bouillon est lui-même surpris de l’impact environnemental que pourra avoir Brique Recyc. En effet, la réutilisation des briques sur un mur de 1000 pieds carrés (90 mètres carrés) évite des émissions polluantes équivalentes à 5,9 tonnes de gaz carbonique. « C’est comme s’il y avait une voiture de moins sur les routes pendant un an, explique M. Bouillon. Imaginez quand notre machine sera utilisée sur des centaines de chantiers! »
Apprendre et explorer en continu
Pour se renouveler en permanence, il est essentiel de mettre en place les conditions pour innover. Au Parcours Innovation offert à l’École des entrepreneurs du Québec (EEQ), les dirigeants de PME apprennent à utiliser la méthode du design thinking, une approche de résolutions de problèmes.
« Innover, c’est être dans l’exploration, une position qui n’est pas toujours confortable. Cette méthode permet d’aller à la rencontre des clients ou des utilisateurs pour comprendre ce que veut le marché et développer une offre pertinente. Cela permet de réduire le risque de l’innovation », explique Patrick Messier, président de Messier Designers et formateur à l’EEQ.
Tout commence par un rêve
« Pour commencer, on peut se poser une question toute simple : et si…? Et si on pouvait produire pour dix fois moins cher? Et si on pouvait réduire de moitié le temps de production? Cela permet d’amorcer la recherche de solutions et de déterminer les expertises dont on a besoin pour avancer », explique Luc Lespérance, directeur principal, Avenir du travail et Transformation de la main-d’œuvre chez Deloitte et formateur à l’EEQ.
Ce questionnement a été l’amorce du processus de conception du Brique Recyc. Pour bien faire les choses, Tommy Bouillon a trouvé important de s’entourer d’experts et d’utiliser les ressources externes. Il a notamment cogné à la porte de PME MTL, qui l’a mis en lien avec le Programme d’aide à la recherche industrielle du Conseil national de recherches du Canada (PARI CNRC) et de Recyc-Québec, qui ont fourni aide financière et conseils stratégiques.
Sa machine étant maintenant au point, Tommy Bouillon compte la mettre à l’essai à plus grande échelle. « Une dizaine de machines seront en service sur nos chantiers au cours de l’automne. On prévoit amorcer la commercialisation en 2022. C’est un gros marché qui s’ouvre à nous », se réjouit M. Bouillon, qui a également déposé une demande de brevet mondial.
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