Martin St-Pierre, directeur développement commercial à PME MTL Est-de-l'île, s’est entretenu avec Jacques Nantel, professeur émérite des HÉC Montréal, spécialiste du commerce de détail et auteur du livre de S’en sortir, un livre qui pose un regard sur notre consommation en temps de pandémie et de crise climatique. Discussion entre deux spécialistes afin de faire état de la situation postpandémique pour le commerce de détail.
3 grands changements provoqués par la pandémie
Jacques Nantel identifie trois phénomènes en particulier :
- La montée du commerce électronique qui touche particulièrement les entreprises de commerce de détail : « Avant la pandémie, seulement 8 % des gens faisaient leurs achats en ligne. Pendant la crise sanitaire, le taux a augmenté à 32 %. Puis, il s’est un peu estompé avec le grand déconfinement. Mais attention, maintenant on parle plutôt d’un taux de 17 à 18 %. C’est la nouvelle normalité. » Dans ce contexte, il est important de poursuivre la transformation numérique au Québec.
- L’adoption du télétravail : « Nous avons pu constater que le télétravail fonctionne, et qu’il est même productif. Ce mode de travail permet de diminuer les coûts de production et les charges locatives mensuelles. Par contre, ce n’est pas l’un [travail au bureau] ou l’autre [travail à distance], c’est l’un et l’autre. » Le centre-ville devra s'adapter, car nous n’allons pas revenir au traditionnel 9 à 5. « Ce n’est pas souhaitable d’un point de vue économique et écologique. »
- Le problème de la chaîne d’approvisionnement est bien réel : « Il existait avant, mais la pandémie est venue l’exacerber et nous confirmer que ce défi n’est pas près de disparaître. »
Offrez-vous des produits locaux?
Nous avons demandé à Jacques Nantel de définir l’achat local. Ce à quoi il a répondu tout simplement, « l’achat local réduit la longueur de la chaîne d’approvisionnement. » Un produit peut venir de très loin et avoir un circuit de distribution court ou être fabriqué au Québec et être vendu dans un magasin à grande surface appartenant à un géant américain. Concrètement, lorsqu’on achète des pommes du Québec dans un magasin à grande surface, on fait un achat local. Si on les achète à notre épicerie du coin, c’est encore mieux. Par contre, si on se procure des pêches de la Nouvelle-Zélande dans un magasin à grande surface, on est très loin du concept de l’achat local.
Convaincre les gens d’acheter local
Jacques Nantel souligne que les appellations comme Aliments du Québec ne poussent pas vraiment les gens à acheter local. « Il faut aller plus loin et considérer les motivations selon le groupe d’âge. Pour les personnes plus âgées, on parle d’une notion de nationalisme. C’est la motivation la plus faible, car bien souvent, les gens ont le cœur à gauche et le portefeuille à droite. Pour les personnes âgées de 40 à 65 ans, la notion de qualité est généralement au centre du processus décisionnel. C’est un bon incitatif, certes. Finalement, les jeunes vont la plupart du temps choisir un produit qui a une moins grande empreinte carbone, un produit plus écologique. Et cette motivation est viable à long terme. » Les entreprises de commerce de détail doivent se baser sur ces constats pour positionner leur offre et la communiquer efficacement.
Faire concurrence aux géants du commerce en ligne
Sur le Web, les gens peuvent acheter une grande variété de produits à très bas prix sans même avoir à se déplacer. « Ça peut sembler difficile à battre. Cependant, une personne pourrait aller en boutique si on lui promet une expérience unique. Un endroit où elle peut toucher, sentir ou goûter aux produits. Un espace où une équipe de spécialistes peuvent la conseiller. » Les détaillants et détaillantes d’ici doivent aussi miser sur la proximité. « Si je veux me procurer des verres pour une réception que j’organise le soir même, ma seule option est d’aller dans un commerce qui se trouve près de chez moi », souligne monsieur Nantel. Avec des stratégies efficaces, il est possible de se mesurer aux grands joueurs du commerce électronique.
Les deux phases d’adaptation des consommateurs et consommatrices
Monsieur Nantel dénote la phase individuelle, soit celle où l’on achète ce que l’on veut sans considération pour autrui, puis une seconde phase, celle de la consommation collective. C’est cette dernière que nous allons devoir développer rapidement pour lutter contre la crise climatique. « Nous avons remarqué ce changement pendant la pandémie notamment avec le vaccin. » Nous devions collectivement poser un geste pour améliorer notre posture face à une crise sans précédent. Monsieur Nantel souligne que la pandémie nous a appris à composer avec une crise. « Et cet apprentissage risque d’être fort utile pour affronter la prochaine crise qui est déjà amorcée, soit celle des changements climatiques. »
Regarder l'entretien avec M. Jacques Nantel
(épisode de la série Tendances commerce)
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