Quand on passe sa carrière à bâtir une entreprise, il n’est pas toujours facile de s’en départir. Jasmin Bilodeau, associé en Services-conseils chez Demers Beaulne S.E.N.C.R.L., partage les cinq éléments à considérer, tant pour le cédant que le repreneur, avant de procéder à un transfert d’entreprise.
1. Choisir la bonne entreprise
Connaître l’industrie
Bien qu’il soit possible de faire l’acquisition d’une entreprise sans avoir de connaissances approfondies de l’industrie, une telle transaction ajoute un niveau de risque additionnel pour l’investisseur. C’est pourquoi il est souhaitable, dans un tel cas, de s’entourer de personnes expérimentées dans le secteur d’activité et de retenir les employés clés qui détiennent ces connaissances.
Le cédant, quant à lui, doit s’assurer dès le début que le repreneur est financièrement capable de conclure la transaction et qu’il sait où aller chercher son financement. Idéalement, le repreneur a une feuille de route qui démontre sa capacité à reprendre avec succès l’entreprise. Il peut s’agir d’un entrepreneur, d’un gestionnaire ou d’un professionnel ayant démontré qu’il sait comment faire fructifier une entreprise. Ceci est particulièrement important lorsqu’une partie du prix de vente demeure payable après la clôture de la transaction (balance de vente). Le cédant veillera également à déterminer s’il partage la vision et la culture d’entreprise du repreneur pour favoriser un bon climat transactionnel et une transition ordonnée. De son côté, le repreneur veut souvent avoir une balance de vente et prévoir des représentations et garanties pour pouvoir se protéger contre les fausses représentations ou d’autres risques qui auront été identifiés lors de la vérification diligente.
Modèle d’affaires
L’expert en services-conseils admet qu’il est périlleux de changer le modèle d’affaires à la prise de possession au risque de détruire la valeur de l’entreprise dès le départ.
Il faut s’assurer d’avoir bien étudié la question avant de procéder à ce genre de changement. Les employés, les clients et les fournisseurs pourraient ne pas suivre et ainsi précariser l’entreprise. Il est préférable d’opérer ce genre de changement après avoir fait un bon tour du jardin à la tête de l’organisation et d’inscrire le tout dans une stratégie globale de croissance pour que ce soit une solution envisageable.
Assurer une transition harmonieuse
Les modalités de la transaction exigent parfois que le cédant reste dans l’entreprise à titre d’employé ou consultant pendant quelques mois après la clôture pour assurer un transfert harmonieux. Le délai de la transition dépendra de la force du management. Plus l’entreprise est en mesure de diriger les opérations sans la présence du propriétaire, plus courte sera la durée de transition. Comme les cédants laissent régulièrement une balance de vente, une transition réussie est importante pour s’assurer de se faire repayer.
2. Payer le prix juste
Pour le repreneur, le juste prix à payer dépendra de l’ensemble des conditions de l’entente, mais également de la valeur que celui-ci pourra obtenir du fait d’avoir cette entreprise (synergie). C’est toujours du cas par cas et le prix doit refléter l’ensemble des conditions de la transaction.
Selon l’associé de Demers Beaulne S.E.N.C.R.L., la valeur d’une entreprise dépend de ses perspectives, de son industrie et de son positionnement dans celui-ci, de son management, des risques du modèle d’affaires et de ses avantages concurrentiels, tout en incorporant également les facteurs de marché comme la structure des taux d’intérêt, la disponibilité du financement et l’offre et la demande pour l’entreprise en question. Il est important de noter que, plus l’entreprise à un potentiel de croissance et est rentable, plus elle vaut cher. À l’inverse, plus il y a d’incertitude sur son avenir, plus le prix en sera affecté.
3. Préparer une structure fiscale
Plusieurs méthodes de transfert sont possibles, mais leurs impacts fiscaux sont très différents. Jasmin Bilodeau nous explique qu’il est souvent plus avantageux pour le repreneur de structurer l’acquisition comme un achat des actifs de la société, alors que le cédant préfère généralement vendre ses actions.
Ce dernier peut ainsi profiter de la déduction pour le gain en capital et limiter l’impôt à payer sur la transaction. Pour le cédant, cette méthode apporte un désavantage fiscal plus élevé puisqu’il devra vivre avec les valeurs fiscales au moment de la vente, ce qui peut limiter les déductions pour amortissement dans le futur. De plus, en achetant les actions, le repreneur se retrouve à acheter non seulement le passé fiscal de la société, mais également son passé légal. Cette prise en charge de risques additionnels devrait faire l’objet de négociation soit pour trouver des façons de mitiger les risques ou de les refléter dans le prix.
4. Identifier les risques
Alors que le cédant doit valider les risques financiers engendrés par le repreneur, ce dernier doit absolument procéder à une vérification diligente afin d’identifier tous les risques de son potentiel investissement. Celle-ci permettra d’analyser et d’évaluer les risques comptables et financiers, fiscaux, légaux, environnementaux, opérationnels, ressources humaines, technologiques et stratégiques reliées à la transaction.
La vérification diligente devra être faite sur mesure avec une attention plus particulière aux risques jugés les plus importants par le cédant. Par exemple, au niveau comptables et financiers il sera souvent question de valider les ajustements aux BAIIA (résultat avant intérêts, impôts et amortissements), la valeur des inventaires et la justesse des traitements comptables. La vérification diligente fiscale visera à juger de la conformité des planifications et déclarations fiscales antérieures, la conformité aux taxes de vente par exemple. Les autres éléments veilleront à établir les risques de poursuites et la conformité légale, l’enregistrement des marques et brevets, l’état opérationnel des actifs acquis, les contrats d’emplois des principaux employés, le respect des lois en matière d’environnement, l’état des relations avec les clients, fournisseurs et autres partenaires de l’entreprise, etc. L’objectif est d’identifier et de quantifier les différents risques pour éventuellement prendre une décision de procéder à l’acquisition, renégocier certains paramètres ou de se retirer de la transaction.
5. Structure de financement
Au fil de la vérification diligente, le repreneur sera de plus en plus au fait des enjeux de l’entreprise. Il devra donc proposer un montage financier qui sera en symbiose avec ceux-ci.
Plus la transaction comprend de risques, plus la structure devra être flexible. Il faut aller chercher les bons partenaires et éviter d’avoir une structure trop étirée dans un contexte où il y a beaucoup d’incertitudes. Les institutions financières traditionnelles devraient faire partie du montage financier, et tout dépendant des risques spécifiques de la transaction, s’adjoindre des partenaires plus patients comme les fonds fiscalisés, des partenaires gouvernementaux ou un réseau d’accompagnement comme celui de PME MTL.
M. Bilodeau conclut en précisant que le cédant devrait prévoir et discuter avec ses partenaires du montage financier préliminaire avant même le dépôt d’une lettre d’intention. Il devrait déjà prévoir sa mise de fonds tout en se conservant une capacité de réinjection.
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Cet article a été rédigé en collaboration avec Jasmin Bilodeau, associé en Services-conseils chez Demers Beaulne S.E.N.C.R.L.
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