Repenser son projet d'affaires : défi relevé pour la Fourmi verte

Défi d’entrepreneur | 26 septembre 2018

Un projet peut paraître ficelé à quatre épingles, toutes les éventualités parées. Il arrive pourtant souvent que les plans ne se déroulent pas comme prévu. Qu’un obstacle inimaginable vienne tout mettre à terre. C’est ce qui est arrivé à la Fondation Fourmi verte. Ses fondateurs ne se sont pas pourtant pas laissés abattre et la Fondation est en pleine renaissance.

Après des années dans la restauration, Andrew Liberio, 25 ans, voulait trouver une activité qui fasse une différence pour la société. Doué en cuisine, il avait aussi eu l’occasion de se rendre compte du gaspillage alors que « des banques d’alimentation manquent de fruits et de légumes frais », s’indigne-t-il.

Il avait trouvé sa cause : s’attaquer au gaspillage alimentaire. Un vrai fléau puisque, au Canada, jusqu’à 40 % de la nourriture produite est jetée ou perdue, selon les chiffres relayés par Equiterre. Une situation d’autant plus scandaleuse que des personnes ne mangent pas à leur faim, s’est dit Andrew Liberio.

De la prise de conscience à la création de la Fondation

C’est ainsi qu’est née la Fondation Fourmi verte, en avril 2017, créée par le jeune homme et trois associés. Antoine Lapointe, Minh Phat Tu et Samuel Smeaton sont issus du milieu de la restauration et de la gestion. La mission de la Fondation : « réduire l’insécurité alimentaire en diminuant le gaspillage. » Premier projet :  récupérer auprès de producteurs maraîchers leurs invendus ou leur surproduction dans le cadre d'un projet de La Corbeille Bordeaux Cartierville intitulée La saine alimentation, un défi alimenTERRE.  D'ordinaire, c’est autant de produits qui sont jetés alors qu’ils sont tout à fait propres à la consommation. « Ce sont des centaines de kilos de légumes et de fruits frais qui partent à la poubelle », s’exclame Andrew Liberio, qui en reste bouche bée. « Une fois, nous avons reçu 10 tonnes de carottes d’un seul producteur ! », se souvient-il.

Si la grande majorité des produits est donnée en l’état à des centres communautaires principalement (banques alimentaires, centres d’hébergement, etc.), le spécialiste de la restauration pense également à en transformer une partie dans une cuisine louée afin de vendre des soupes, des confitures et autres marmelades au grand public. « C’est une bonne façon de conserver des produits frais qui, s’ils ne sont pas écoulés rapidement, peuvent être perdus », explique Andrew Liberio. Cela permet aussi à la Fondation de générer des revenus afin de payer ses frais fixes et de créer des emplois.

Faire face à l’imprévu qui peut tout remettre en cause​

Aujourd’hui, la Fondation compte quatre à cinq employés. Mais il y a quelques mois, elle en avait une dizaine. Le projet a en effet rapidement pris de l’essor. Les fondateurs ont réussi à obtenir du financement et à lancer leurs activités. Mais la première cuisine étant devenue trop petite, les partenaires en ont trouvé une autre plus adaptée. C’était en septembre dernier. Deux semaines après l’installation, la mauvaise nouvelle arrive : le propriétaire fait faillite. « Non seulement, nous avons perdu la cuisine mais en plus, nous n’avons pas pu récupérer l’argent que nous avions versé, notamment la caution », raconte Andrew Liberio.

Quand on est entrepreneur, les erreurs sont inévitables. Il nous juste en tirer des apprentissages pour ne pas retomber dans les mêmes pièges. 

C’est la consternation dans l’équipe. Elle doit cesser ses activités, licencier ses employés, refuser d’empocher un prêt qui venait de lui être accordé et elle perd son stock. « Pendant un temps, je me suis dit que j’avais eu tout faux. Que je n’aurais pas dû louer la cuisine, pas faire ci, pas faire ça. Puis, j’ai parlé avec mon père, qui est entrepreneur depuis l’âge de 17 ans, et qui m’a expliqué que les erreurs étaient inévitables et qu’il fallait juste en tirer des apprentissages pour ne pas retomber dans les mêmes pièges », confie Andrew Liberio.

Se relever et repenser autrement le projet​

Il a finalement fallu peu de temps à l’équipe pour se relever et tourner cette mauvaise expérience en opportunité pour repenser le projet entièrement. Après réflexion, la mission reste la même mais les moyens pour y parvenir ont changé. Il n’est plus question de transformer des produits pour le moment. « Ça prenait beaucoup de temps de faire des conserves pour le grand public. On veut être plus efficaces », déclare Andrew Liberio. Pour cela, les fondateurs de la Fourmi verte ont plein de projets en tête.

Le premier fonctionne déjà : la Fondation a passé un accord avec une usine de traitement de poissons pour récupérer la chaire laissée sur les carcasses de saumons une fois les filets découpés pour la vente. La Fourmi verte vend le produit congelé en petit sachet notamment aux grandes chaînes d’épicerie qui l’utilisent pour fabriquer des produits transformés comme des saucisses, des pâtés ou des burgers de poisson.

Autre projet. « On a proposé aux banques alimentaires de prêter nos bénévoles et nos cuisines pour les aider à transformer les aliments périssables, fruits et légumes, provenant aussi bien des producteurs locaux que du Marché central ou du Costco.» Une partie de ces produits sont mis en conserves et vendues sur leur site web et dans quelques epiceries, l'autre partie  est laissée à la banque alimentaire pour être redistribués à leurs bénéficiaires. 

Andrew est heureux de voir que cela fontionne bien sans coûts de main d'oeuvre, ni coûts d'infrastructure. Cela beneficie aussi aux banques alimentaire en leur donnant des idées sur la façon de tranformer leurs excedents, et leur fait profiter de produits transformés à partir de produits périssables qui auraient probablement sans cela été perdu. 

Une multitude d’idées pour sensibiliser au gaspillage alimentaire​

Mais elle voudrait faire plus en mettant en relation les organismes qui viennent en aide aux démunis et les donateurs de nourriture. « Plus de la moitié des banques alimentaires disent manquer de dons de nourriture alors que nous, on sait qu’il y a de grandes quantités de produits qui sont disponibles. Comme notre but est de récupérer le plus d’aliments possible pour qu’il y ait moins de gaspillage et qu’on connaît bien les deux parties, on voudrait faire le lien entre elles », poursuit le jeune homme. Les partenaires sont justement en train de chercher du financement pour pouvoir jouer ce rôle.

Ils pourraient aussi conseiller les épiceries et restaurants pour mieux gérer leur stock. « On pourrait les aider à transformer les produits avant qu’ils soient perdus par exemple », propose Andrew Liberio, qui pourrait aller jusqu’à apporter une aide opérationnelle dans ce cas. Il a aussi prévu de montrer aux centres communautaires dotés de cuisine comment conserver la nourriture quand elle arrive en grandes quantités en la transformant.

Lutter contre le gaspillage alimentaire en mettant en relation les organismes qui viennent en aide aux démunis et les donateurs de nourriture.

Bref, la Fourmi verte ne manque pas d’idées pour atteindre son but, quels que soient les défis qui se mettront sur sa route. D’ailleurs, elle a lancé une campagne de sociofinancement pour financer des ateliers-formations sur le gaspilllage à destination des enfants des écoles primaires et secondaires. L'objectif est d'éduquer les enfants, et à travers eux leurs parents, pour les munir de connaissances et de trucs concrets pour éviter de gaspiller.

La Fondation prévoit (enfin) de lancer une campagne de sensibilisation au gaspillage alimentaire à l'automne 2019 en préparant de la nourriture pour 5000 personnes avec uniquement des ingrédients sauvés du gaspillage alimentaire.

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La Fondation Fourmi verte est soutenue par PME MTL Centre-Ouest

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