La crise du logement touche les locataires montréalais de tous horizons et les organismes communautaires, tout comme les artistes, n’y font pas exception. Pour mieux comprendre la situation, Kevin McMahon, directeur services-conseils et financement - Économie sociale, présente les enjeux financiers de l’immobilier collectif et des solutions qui s’offrent aux OBNL.
Devenir propriétaire : choix ou obligation?
Lorsque les loyers deviennent trop élevés ou que les propriétaires reprennent possession de l’immeuble pour le vendre ou le transformer, les groupes communautaires et les artistes sont souvent mis à la porte. Toutefois, avec la pénurie de logements convenables à prix abordables et la reprise de locaux par la CSDM, la relocalisation dans un autre immeuble à titre de locataire est difficile, et les organismes doivent souvent s’éloigner du quartier et de la communauté qu’ils desservent.
Dans ces cas-là, les organismes se tournent vers l’option de s’associer avec d’autres groupes culturels ou communautaires pour former un OBNL ou une coopérative et tenter de devenir propriétaire. Selon M. McMahon, « l’idéal est que les groupes communautaires y réfléchissent en amont, mais en ce moment, ce n’est pas nécessairement une question de choix, mais plutôt une question de survie ».
Créer un OBNL en toute connaissance de cause
Même si ce n’est pas toujours par désir personnel, constituer un organisme à but non lucratif comporte son lot d’avantages et de considérations. « Le fait de réaliser des activités sous le modèle OBNL nous permet une certaine liberté puisque l’on ne vit plus aux dépens d’un propriétaire externe. Toutefois, l’idée de devenir propriétaire est souvent une situation idéalisée. Avant de prendre une telle décision, il faut analyser de façon réaliste les coûts d’exploitation, leurs compétences, les subventions potentielles, la contribution à la réserve de remplacement, le processus de vérification annuelle, la gestion immobilière régulière et les imprévus que cela implique. »
Les groupes communautaires sous-estiment souvent le travail qu’implique la gestion d’un immeuble, la communication avec les occupants, l’assureur, l’architecte, l’entrepreneur général, etc. C’est pourquoi l’évaluation préalable du portefeuille de compétences et de l’effectif interne est essentielle à la réalisation d’un projet immobilier collectif.
Il faut préparer des budgets prévisionnels, trouver le financement incluant une mise de fonds. Pour être concurrentiel au niveau des loyers, il est impératif de limiter l’endettement, d’obtenir du financement solidaire, des subventions et de bénéficier du maximum d’exemption de taxes foncières.
« La réalité est que les organismes n’ont pas toujours ce genre de réflexes, mais en s’associant avec d’autres groupes, ils partagent leurs connaissances et deviennent beaucoup plus forts. Ils doivent créer des comités pour assurer la bonne gestion et s’entourer de professionnels qui viennent compléter l’équipe avec leur expertise. L’aide d’un architecte, d’un comptable, d’un ingénieur, de personnes expérimentées en développement immobilier collectif, dont des conseillers de PME MTL, est très utile et bénéfique pour arriver à la décision collective d’entamer le processus d’achat de l’immeuble », explique Kevin McMahon.
Parmi les projets modèles qui ont réussi ce pari, M. McMahon nous parle avec passion du Bâtiment 7 à Pointe-Saint-Charles, du Centre de services communautaires du Monastère et du Cinéma Beaubien. « Ils ont réussi à se réapproprier les lieux communs et d’en faire des espaces abordables à long terme pour le bien de leur communauté », précise-t-il.
Soutien vers le succès
Les programmes actuellement en place pour soutenir le financement des projets immobiliers collectifs sont très contingentés comme le Programme d'immobilisation en entrepreneuriat collectif. D’autres sont longs à obtenir et spécifiques à un type de projet précis, dont le Fonds du Canada pour les espaces culturels. « Il y a beaucoup plus de demandes de projets qu’il n’y a de financement actuellement. Le programme de financement aux infrastructures sera relancé prochainement et Centraide met actuellement en place un fonds d’investissement pour les projets immobiliers collectifs, mais ce n’est pas encore fonctionnel », ajoute M. McMahon.
D’autres institutions connues, telles que la Caisse d’économie solidaire Desjardins, Investissement Québec, le Réseau d’investissement social du Québec et la Fiducie du chantier de l’économie sociale du Québec offrent également du financement pour les projets immobiliers collectifs.
En allant chercher de l’aide auprès des experts de PME MTL, les organismes communautaires et les artistes peuvent bénéficier de plusieurs avantages intéressants pour augmenter les chances de réussite de leur projet immobilier collectif.
Nos conseillers s’intègrent au rythme du projet en participant à certaines rencontres de travail, ils vont sur le terrain et bonifient les projets en révisant leur documentation et leurs budgets. Ces interventions permettent de bien préparer les projets qui au moment venu, devant les bailleurs de fonds, sont mieux préparés. Notre équipe met également les organismes en relation avec des acteurs importants de leur domaine pour valider leurs idées et les présenter aux professionnels de l’industrie de la construction et aux bailleurs de fonds.
Son meilleur conseil : se doter de patience. « Ce genre de projet n’avance pas toujours à la vitesse que l’on souhaiterait et il faut être patient. À partir du moment où l’on décide de prendre possession d’un immeuble jusqu’à la prise de possession, le processus peut prendre de deux à dix ans selon les cas. C’est un type de projet qui doit être planifié en amont », conclut-il.
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Cet article a été rédigé en collaboration avec Kevin McMahon, directeur services-conseils et financement - Économie sociale à PME MTL Centre-Est