Un certain nombre d’idées reçues circulent sur l’économie sociale. Or, plusieurs d’entre elles sont fausses. Voici cinq mythes à déboulonner sans tarder!
1. Vous êtes une bande de «granos» et de doux rêveurs…
Rêveurs? Peut-être bien, mais après tout, quel entrepreneur ne l’est pas? « L’entrepreneuriat tire son énergie de l’idéal qu’il cherche à atteindre. Il y a une partie de rêve dans le sens où l’on se projette dans l’avenir », remarque Gaëtan Cirefice, Directeur – Gestion et financement, Économie sociale, PME MTL Est-de-l’Île.
Par ailleurs, il souligne que l’économie sociale cherche à atteindre des objectifs et des idéaux collectifs qui vont bien au-delà des biens matériels et de la richesse personnelle. « Bien souvent, les entreprises d’économie sociale vont tenter de combler des besoins collectifs, par exemple en matière d’accès au logement, de développement durable, de défense des droits, etc. », énumère-t-il.
Pour y parvenir, ces entreprises mettent en place des modèles d’affaires atypiques, loin des modèles traditionnels. Ils répartissent aussi la richesse ou le savoir de façon plus équitable. De doux rêveurs, mais qui se donnent les moyens d’atteindre leurs buts…
2. C’est difficile de perdre le contrôle de son entreprise.
Dans une entreprise privée, ceux qui prennent des risques ou investissent temps et argent pour se lancer en affaires sont généralement ceux qui conservent le pouvoir entre leurs mains. Dans une entreprise collective, la dynamique est différente : le contrôle est partagé entre l’assemblée des membres, le conseil d’administration – composé de bénévoles – et la direction de l’organisation. Cette dernière fera en sorte que les grandes orientations du CA se traduisent concrètement sur le terrain.
Mais lorsqu’on est seul ou presque à prendre les décisions, on assume aussi de lourdes responsabilités. « L’avantage dans une entreprise collective est que la pression, les risques, la charge de travail, le stress sont également partagés et répartis entre différentes personnes. La compagnie sera également plus pérenne, car même si son fondateur quitte l’organisation, l’avenir de cette dernière est assuré à travers ses membres », souligne Gaëtan Cirefice.
À ceux qui s’inquiètent que le CA d’une entreprise où le pouvoir est partagé peut décider de licencier le directeur général, Gaëtan Cirefice répond par un argument de poids. « Il est vrai que c’est une possibilité en théorie mais en pratique, cela se produit très rarement et lorsque c’est le cas, c’est généralement le résultat de conflits internes.
Néanmoins, cela permet aussi une gestion plus saine puisque le CA peut exercer un certain contrôle sur les actes du directeur général », fait-il valoir.
3. On ne peut jamais se mettre d’accord.
Il est possible de faire un parallèle avec la démocratie, car une entreprise d’économie sociale existe généralement par ses membres et pour ses membres. Or, il y a belle lurette que l’on ne met plus en cause le modèle de la démocratie qui a largement fait ses preuves! « En économie sociale, l’organisation est à l’image d’un petit pays, où la gouvernance est partagée entre des groupes qui bénéficient de l’offre de services », illustre Gaëtan Cirefice.
Or, dans une démocratie, il arrive effectivement que certains expriment leur désaccord, ce qui est normal. Et puisqu’il s’agit d’un système où une seule personne ne statue pas sur tout de façon unilatérale, cela permet également de prendre de meilleures décisions. « Des opinions plurielles suscitent un débat qui, au bout du compte, favorise la réflexion et aide à faire avancer les choses. À la limite, le seul inconvénient est qu’il faudra plus de temps pour prendre des décisions stratégiques, car il y a un échange d’idées », mentionne Gaëtan Cirefice.
4. L’économie sociale ne crée pas de richesse et ne rapporte rien.
Avant toute chose, il faut se demander ce que l’on considère être de la richesse. Pour certains, il s’agit de biens matériels, pour d’autres d’éducation des enfants, d’accès à du logement abordable, etc. Autrement dit, des biens dont la valeur se mesure davantage en termes sociaux qu’économiques et financiers.
« Par exemple, actuellement, on voit de plus en plus de coopératives offrant des services professionnels : ingénierie, psychologie, comptabilité, etc. Pour les individus qui en font partie, la richesse se traduit par un environnement plus sain et plus flexible. Il y a aussi un réel gain en contrôle puisque les employés définissent eux-mêmes leurs conditions de travail. Ce modèle apporte une grande richesse tant d’un point de vue collectif qu’individuel », indique Gaëtan Cirefice.
5. En économie sociale, on ne peut pas innover.
Même si on associe souvent l’innovation aux nouvelles technologies, l’innovation concerne bien d’autres domaines, y compris l’économie sociale. « Il y a beaucoup d’innovation sociale, mais aussi sur le plan organisationnel. Ainsi, on retrouve des structures atypiques, horizontales, qui favorisent le partage de connaissances et offrent des milieux plus stimulants. Ces modèles sont utilisés depuis longtemps en économie sociale et percolent même dans le secteur privé, car ils génèrent beaucoup de bénéfices », constate Gaëtan Cirefice.
Il précise que les OBNL et les coopératives sont admissibles aux subventions sectorielles en R&D, ce qui leur permet d’expérimenter de nouveaux projets et pratiques. D’ailleurs, généralement, ces innovations aboutissent plus rapidement dans la sphère publique que si elles étaient issues du secteur privé, et peuvent donc profiter à la communauté.