Les deeptech foisonnent au Québec. Dans les incubateurs universitaires, ces start-up développent des solutions innovantes qui s’attaquent à des problèmes complexes — les changements climatiques, la vaccination contre certaines maladies telle que la COVID-19, la pénurie alimentaire et autres grands défis du 21e siècle. Entre les premières phases de développement jusqu’à la commercialisation, il peut s’écouler plusieurs années de travail intense. Le nerf de la guerre pour ces jeunes pousses reste le financement. Comment bien soutenir ces entreprises de l’idée au marché ?
Pour approfondir la question, PME MTL a organisé en collaboration avec le Technoparc Montréal une conférence sur les nouvelles approches du financement d’impact pour les deeptech, animée par Nada Zogheib, directrice générale du Centre d’entrepreneuriat de l’Université de Montréal, et qui s’est tenue dans le cadre de l’événement Effervescence 2022 — le futur des sciences de la vie. Sur la scène étaient réunis des entrepreneurs et des acteurs clés de l’accompagnement et du financement aux entreprises qui ont partagé leurs points de vue et leurs idées sur le développement de cet écosystème deeptech.
Un long chemin
L’innovation de pointe est marquée par un long cycle de développement et les entreprises ont donc des besoins en capitaux élevés. C’est d’ailleurs là le plus grand défi des deeptech.
« Il nous a fallu sept ans pour développer notre technologie d’imagerie moléculaire et on a levé quelque 40 millions de dollars en capital de risque. On commence à avoir des revenus. C’est donc un long chemin avant d’arriver au marché », affirme David Lapointe, PDG d’Optina Diagnostics, une entreprise qui fournit une solution optique permettant la détection précoce de la maladie d’Alzheimer.
De son côté, Photon etc., un développeur et un fournisseur d’instruments d’analyse optique et photonique, s’est rapidement autofinancé. « Pour poursuivre le développement de nos technologies, on a toutefois eu besoin de financement plus important. On s’est donc tourné vers les fonds d’investissement », explique Sébastien Blais-Ouellette, président de la PME.
Molecular Forecaster Inc. est peut-être l’exception à la règle. L’entreprise, qui a mis au point un logiciel permettant d’accélérer la recherche de médicaments, n’a pas cherché le financement à tout prix. Il existe de nombreuses ressources et mécanismes différents pour aider les entreprises à réaliser leur mission; le financement n'en est qu'un parmi d'autres. Pour moi, c’est un moyen d'arriver à ses fins et ne devrait pas être la raison d'être d'une start-up », explique Josh Pottel, PDG de la jeune start-up en biotechnologie.
Financer et accompagner l’impact
Parce qu’elles tentent de répondre aux grands défis sociétaux et ont une mission sociale, ces jeunes pousses peuvent être considérées comme des entreprises d’impact. Or, même si elle est ancrée dans le modèle d’affaires, cette notion d’impact n’est pas toujours mise de l’avant. Il est pourtant important de bien l’articuler, selon Richard Chénier, directeur général du Centech, l’incubateur technologique de l’École de technologie supérieure qui accompagne ces entreprises à fort potentiel de croissance.
« Les critères ESG [environnement, société et gouvernance] doivent faire partie de la proposition de valeur de l’entreprise. Et les entrepreneurs doivent y penser très tôt dans le processus de développement de leur technologie », recommande-t-il.
De plus en plus, ces critères sont pris en compte dans le financement mais ce n’est pas toujours automatique. C’est le cas du fonds de Boreal, le premier fonds de capital de risque au Québec dédié aux entreprises deeptech, créé en 2021. Boreal Ventures, doté d’une capacité d’investissement de 26 millions de dollars, a été mis sur pied en partenariat avec le Centech.
« On finance des entreprises dès la phase de préamorçage jusqu’au démarrage, précise Olivier Garceau, directeur des opérations. Ce sont des entreprises à fort risque à la fois technologique et commercial. Souvent, les entrepreneurs ont davantage réfléchi à leur innovation qu’au besoin du marché. Comme investisseur, notre rôle est de s’assurer que le produit a un réel potentiel de commercialisation. »
Mais pour soutenir ces entreprises, le financement n’est pas la seule solution et l’accompagnement est tout aussi important. C’est ce que souligne Laurentia Perrin, directrice Stratégie d’impact chez Esplanade Québec, un accélérateur d’entreprises à impact social et environnemental. Pour elle, pour aider ces entreprises à se connecter avec le marché, il est nécessaire de définir avec elles leur impact, le mesurer et peut-être faire davantage. « On aide les entrepreneurs à réfléchir à l’impact de leur solution sur la société et l’environnement. On est là aussi pour créer des ponts et les connecter aux besoins du terrain, dit-elle.
Bien s’entourer pour passer à travers tous les obstacles est crucial. David Lapointe d’Optina Diagnostics, comme les autres entrepreneurs participant à l’événement, a su profiter de l’écosystème entrepreneurial en s’associant notamment à plusieurs incubateurs. « C’est une bonne façon de challenger sa vision et de progresser », conclut-il.